Un photographe se promène sur les places de marché de quatre villes colombiennes et découvre « à travers son objectif » une culture vivante, colorée et délicieuse. Ce va-et-vient de marchands, d’agriculteurs et de touristes dégage une énergie particulière au moment du petit déjeuner et du déjeuner.
En vous promenant sur les places de marché du pays, vous pourrez découvrir un autre aspect de la vie colombienne, comme l’agriculture, la pêche, l’élevage, le transport à dos de mule, en jeep ou gros camions, l’économie vivante du commerce, la couleur des fruits, les odeurs et les saveurs de tout un pays sous un même toit, chaque jour, avant le premier rayon de soleil.
Cette dynamique commerciale se prolonge au-delà de midi et modifie l’heure du déjeuner. En effet, il s’agit d’un des espaces dans lesquels les différentes habitudes culinaires colombiennes s’expriment avec une plus grande transparence. Il y a quelque chose de transversal à la culture, à l’économie et aux provisions de toutes les places de marché du pays. Dans ces espaces, se devisent des nuances et des contrastes typiques des régions de la Colombie.
Dans certains de ces endroits, il est possible de trouver un local vendant des petits déjeuner typiques avec tamal, à côté des bulteros de la place, pour la somme de 7 000 COP (soit 2,30 USD). À quelques mètres de là, l’on peut acheter un déjeuner gourmet fait avec des techniques de cuisine innovantes, sur fond de son cubain et un bon verre de vin, à 65 000 COP (20 USD). La chaleur du Pacifique à Cali peut être apaisée avec une lulada (une boisson traditionnelle à base de lulo, un fruit typique de la région) ou la fatigue de la journée à Medellin peut être rechargée avec une mazamorra (une boisson sucrée à base de grains de maïs pelés).
Malgré les contrastes, sur toutes les places de marché du pays, on respire la chaleur, la bonne énergie et la satisfaction des agriculteurs, des commerçants et des restaurateurs qui partagent le fruit de leur travail et transforment en plats ce qu’offre la mer et la terre colombiennes. C’est ainsi qu’une journée se vit à travers l’objectif d’une caméra sur chacune des principales places de marché du pays.
Medellín
Fondée en août 1984, La Minorista, comme on l’appelle communément, a remplacé El Pedrero, le marché agricole d’une zone voisine qui existe encore aujourd’hui, et dont les commerçants ont été déplacés sur la nouvelle place afin de répondre à la demande du nord, de l’est et du centre-est de la ville.
Sa situation centrale en fait une étape obligée pour les habitants des communes qui s’installent dans la vallée dite de l’Aburrá. L’offre énorme de ses 26 000 mètres carrés et ses 3 332 locaux commerciaux, ont fait de La Minorista une place régulatrice qui, malgré son nom, sert de grossiste pour une grande partie de Medellin.
Un jour de marché comme le dimanche, la place accueille environ 25 000 personnes parmi lesquels des commerçants, des travailleurs et des visiteurs. En vous promenant dans ses allées larges, hautes, colorées et bondées, vous trouverez une offre variée de fruits, de légumes, de produits d’entretien, de restaurants, de magasins de vêtements neufs et d’occasion, de babouilles, de chaussures et même d’animaleries.
Dans l’un des restaurants les plus fréquentés, Memo goûte le riz au coco qu’il a préparé pour la journée tout en supervisant cinq autres recettes. En pleine préparation, il recommande que personne ne quitte La Minorista sans avoir goûté la soupe de poisson. Parmi le large éventail d’offre, trois variétés sont largement recommandées : la cuisine colombienne des Caraïbes, quelques excellents restaurants de cuisine espagnole et, bien évidemment, la cuisine paisa typique de Medellin et d’Antioquia. Cette dernière se distingue par sa bandeja paisa, un plat riche en protéines (chorizo, viande hachée, œuf, chicharrón, avocat, riz et haricots rouges).
Vivante, agitée et colorée, avec des formes créatives de commerce et des voix fortes qui s’expriment dans la langue des habitants de cette région, La Minorista est le reflet vivant de Medellin et une exquise alternative pour aborder, à travers le palais et les produits de la terre, la culture colombienne, en particulier celle d’Antioquia.
Tout au long de la journée, une multitude d’agriculteurs, de commerçants et de visiteurs font vivre les places de marché colombiennes, faisant circuler une grande diversité de produits agricoles.
Cali
Au cours des années 50, dans le quartier traditionnel de La Alameda, près du centre de Cali, un groupe de commerçants locaux se sont réunis et ont donné vie aux premiers couloirs de ce marché. En 1994, grâce à la création de l’Association des Commerçants de La Alameda, la place a connu un essor important sous différents aspects. Ceci lui a permis d’être reconnue comme l’une des places de marché les plus complètes du pays.
Les journées à La Alameda se passent au son de la chaleur, de la musique du Pacifique et de la salsa. Avant d’entrer, un verre de glace a la lulada et un madroño (fruit exotique) permettent de faire baisser la température, de préparer le palais et entamer la visite. En entrant dans les allées de La Alameda, l’arôme exquis des fruits de mer des cocottes et les plats de riz remplis les tables. Presque à l’extrémité d’un des pavillons de la place, Bacilia, une femme noire au visage aimant et au turban sur la tête, supervise le travail de ses commis tandis qu’elle s’occupe d’un couple qui s’assied à l’une de ses grandes tables en bois. À quelques mètres de là, dans un restaurant voisin, un groupe de jeunes hommes en uniforme noir cuisinent dans une petite cuisine très propre, des plats péruviens. Ce genre de rencontres et de contrastes enrichit l’expérience de la place et nous rappelle que le Pacifique américain n’est pas seulement colombien, le Pérou est aussi notre voisin sur ces rives.
La Alameda propose également une cuisine espagnole, des plats typiques de différentes régions de Colombie, de la cuisine fusion et des plats contemporains pour tous les palais et les budgets.
Sur la place du marché colorée de La Alameda, il est fréquent de voir des groupes, petits et grands, de visiteurs étrangers, manger sur place et se mêler aux Caleños, dans une ambiance chaleureuse qui vous invite à explorer Cali et le Pacifique, avec pour point de départ ce lieu gastronomique.
Manizales
La Zone du Café, ses riches terres et son paysage culturel, avec ses jeeps Willys, ses campagnards et amateurs de bon café se rencontrent quotidiennement dans ce bel endroit appelé La Galería, situé au nord-ouest de Manizales.
En 1849, peu après la fondation de la ville et l’arrivée d’habitants qui apportaient des produits récoltés, pour la plupart, par eux-mêmes, l’on créa la première place de marché de Manizales où le troc servait principalement de monnaie. Au fil des ans, la population et la ville ont augmenté et en 1951, à l’occasion du centenaire de Manizales, ont été inaugurées les arènes, le bâtiment des Beaux-Arts, le Coliseo de Ferias et la Galerie Plaza et la nouvelle place du marché de la ville construite par l’ingénieur Jesús María Gómez Mejía. Cette place de marché, connue simplement sous le nom de La Galería, est devenue le plus important centre de distribution et d’approvisionnement de Manizales et du département de Caldas.
Les étals de la place arborent les couleurs du café, de la canne à sucre, des tomates chonto, des agrumes et des bananes. Près de 7 000 tonnes par mois de produits y transitent. Parmi les fruits, les légumes et les tubercules, une marée de personne débute la journée. Vers 5 heures du matin, le déchargement est sur le point de prendre fin. Entre les constructions typiques du Centenaire, le bruit des camions en transit, la foule qui échange autour des étals pleins de produits colorés et formes exotiques, l’odeur des champs frais et du paysage culturel le plus autochtone de Caldas, La Galería se réveille.
Dario, un bultero local, décharge des sacs remplis de mangues Tommy et s’apprête à dévorer son petit déjeuner qu’il a payé environ 4 000 COP (1 USD). Ce petit déjeuner se compose d’une arepa avec du fromage campesino et du beurre, de deux œufs brouillés à la tomate et à l’oignon, d’une pomme de terre avec du guiso, d’une tranche de banane plantain mûre, de riz aux nouilles, d’un sancocho à la viande et d’une tasse d’agua de panela. Voici le petit déjeuner typique offert à La Galería et élaboré avec les produits frais de la place, par des cuisiniers et cousinières de la ville.
Tout comme Dario, de nombreuses personnes qui travaillent et se promènent sur la place y prennent aussi leur petit-déjeuner et leur déjeuner, en se mêlant aux visiteurs locaux et étrangers qui aiment vivre une expérience typiquement colombienne.
À La Galería, en raison du passage de personnes et des produits provenant de tout le pays, presque toutes les régions sont représentées dans l’offre gastronomique de cet endroit. L’on trouve des plats typiques de la région andine, comme la pajarilla et la soupe de mondongo, aux recettes du Llano et du Pacifique, comme le typique asado llanero, la soupe de poisson ou le ceviche frais. Parmi cette grande variété, la mazamorra antioqueña se distingue. Il s’agit d’une boisson sucrée à base de grains de maïs, qui est traditionnellement consommée dans la région et qui est proposée dans tous les restaurants de la place pour 1 000 COP (0,30 USD).
Avec plus de quinze restaurants sous le même toit, avec des plats allant de 4 000 COP à 25 000 COP, l’offre promet d’être variée et attrayante.
La Galeria est divisée en quatre pavillons qui abritent des plantes, des herbes et des aromates, des viandes et une offre variée de fruits et légumes frais de la région, le tout a très bon prix. Vous serez dépaysés dans cette atmosphère où le café prend ses racines dans la culture locale de trois beaux départements (Caldas, Risaralda et Quindio).
Bogota
Depuis La Perseverancia, l’un des plus anciens quartiers de la ville, l’on peut apercevoir de très près la colline de Monserrate et une vue panoramique de la capitale colombienne. « La Perse », comme on l’appelle populairement, possède l’une des places de marché les plus actives et touristiques de la ville.
En 1889, avec la création d’une grande brasserie nationale dans le Barrio San Diego, aujourd’hui le centre de la ville, et la grande croissance industrielle et commerciale de Bogota, un groupe d’ouvriers et leurs familles se sont installés dans les zones voisines de la brasserie pour ainsi fonder le quartier ouvrier de La Perseverancia. Près d’un demi-siècle plus tard, avec la participation de quelques commerçants locaux, la place de marché de La Perseverancia a été construite. Elle propose des produits agricoles et des restaurants qui alimentent les quartiers voisins.
Avec le temps et le développement du centreville, la place est également devenue le centre d’approvisionnement des restaurants du quartier voisin de La Macarena, du Centre international et d’autres lieux commerciaux au cœur de Bogota. Depuis 2013, un groupe d’entités publiques et de fondations travaillent à la promotion et à l’amélioration de la place, par le biais de travaux et aménagements qui en ont fait l’une des meilleures du pays.
Sa situation centrale et sa proximité avec d’autres lieux très commerciaux en font une place privilégiée pour les touristes et locaux qui recherchent une bonne offre gastronomique ou des produits autochtones. De plus, sa situation géographique au pied des montagnes de la ville permet de se déplacer facilement vers les zones touristiques du centre de Bogota.
L’architecture moderne de la place est divisée en deux pavillons. Dans le premier, l’on trouve la zone des légumes, des fruits et d’autres aliments. Les étrangers et les cadres travaillant dans les entreprises du secteur remplissent les tables de zone restaurants située dans l’autre pavillon de la place. Les restaurants de cuisine typique colombienne avec leurs odeurs, le passage des clients et des serveurs, les bruits des clients qui profitent de leur expérience, font vivre aux visiteurs l’atmosphère très particulière de La Perse.
Maria, cuisinière et propriétaire d’un restaurant sur la place, considère que l’ajiaco est le plat qui donne aux Bogotanais l’impression d’être en famille. Ici, vous pouvez commander un plat copieux de cette soupe typique préparée avec différentes variétés de pommes de terre, du poulet, de la crème fraîche, des guascas, de l’avocats et de câpres.
À côté du très typique ajiaco, la Plaza de La Perse propose également une importante variété de fruits de mer du Pacifique et plusieurs plats de la Caraïbe colombienne, de même que les recettes typiques de Córdoba et de Sucre. Ce lieu abrite des cuisines et un public variés, tant au niveau de leurs d’origines que de leurs goûts. C’est une façon de comprendre la Colombie le ventre plein et le sourire aux lèvres.